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L’Humanisme de la Révolution Tunisienne et son impact direct sur l’Etat de conscience des pays arabes

Par le Professeur, Abdeljalil Temimi
23-01-2015
L’Humanisme de la Révolution Tunisienne et son impact direct sur l’Etat de conscience des pays arabes

 

Cette révolution a surpris le monde entier par sa spontanéité et sa forte charge symbolique, et a mis en évidence le niveau de conscience et d’éveil de la rue en mouvement. C’est véritablement un évènement exceptionnel par son attrait et l’enthousiasme qu’il a insufflé à l’opinion publique du monde arabe. En moins de quatre semaines, le peuple en ébullition a mis en fuite précipitée le président, laissant un vide au sommet de l’Etat, aucune mesure n’ayant été prise pour gérer la situation qui devenait explosive, le pays entrait dans un chaos alarmant surtout que certaines autorités ont ordonné de libérer des milliers de prisonniers, du coup, « des espèces de milices se sont formées et ont commencé à sévir… », prouvant une fois de plus que cet ex-président avec son gouvernement n’avait aucun sens des responsabilités dues à sa fonction. Personne n’avait prévu une telle secousse, pas même les services de renseignements européens et américains experts dans l’analyse des situations sociales explosives. Ce fut le commencement d’un mouvement populaire sans égal qui a retenti jusque dans les relations diplomatiques internationales et considéré comme l’événement du siècle qui a fait vibrer et rallié tous les peuples opprimés du monde, à commencer par les peuples du monde arabe. La mobilisation s’est exprimée de manière singulière sur les réseaux sociaux à travers des milliers de messages et la diffusion instantanée d’informations qui ont témoigné au monde le degré de violence exercée par la dictature de Ben Ali, et dont on ne mesurait pas avec précision l’étendue et les effets désastreux  produits par ce régime autoritaire sur la société et les rouages du pays, et il faudra beaucoup de temps pour analyser et saisir l’ampleur des conséquences sur le système administratif, financier, économique et culturel, si tant est que les historiens puissent accéder aux archives secrètes. Il reste que cet événement marque le début de transformations profondes en Tunisie et dans le monde arabe, une révolution dans le monde du sud méditerranéen selon certains chercheurs et qui est propre aux peuples de cette région.

Puis, il y eut les sit-in de la Kasbah 1, 2 et 3 engagés par les jeunes rebelles de la révolution à partir de Menzel Bouzaiane, de Regueb, et qui s’étaient donné le mot pour se rendre à pieds sur des centaines de kilomètres jusqu’à la Kasbah, centre du pouvoir politique. Ces actions non seulement se distinguent par leur force symbolique et leur originalité, elles traduisent aussi la volonté tenace de ces jeunes, une détermination politique surprenante où la peur n’avait plus prise. Malheureusement, ils furent chassés par la force et à coups de bombes lacrymogènes, mais cela n’a pas fléchi leur détermination et on a pu voir un front populaire uni de résistance exprimant un refus absolu du régime totalitaire mafieux qui a creusé le déséquilibre social et la pauvreté. C’est la première fois dans l’histoire moderne du monde arabe que les jeunes et certains responsables politiques appellent à la dissolution d’un parti, en l’occurrence le RCD, et que cela prit effet sans l’intervention d’une force étrangère comme c’est arrivé en Irak par le fait des autorités d’occupation américaines.

Finalement, ce qui caractérise cette révolution c’est qu’elle n’est pas le produit d’un conflit idéologique, politique ou confessionnel, mais bien un mouvement spontané de jeunes qui a jailli du tréfonds du peuple tunisien et a aussitôt rallié des voix de la société civile, des citoyens libres, un mouvement qui n’a été présidé par aucun responsable politique ou syndical ni des intellectuels dont on aurait pu attendre qu’ils jouent un rôle éclairant, qu’ils méditent sur des programmes et envisagent un plan d’avenir, car c’est une révolution qui rassemble tous les tunisiens et tunisiennes lui conférant ainsi une dimension symbolique.

Au sens général, l’humanisme désigne donc « toute pensée qui met au premier plan de ses préoccupations le développement des qualités essentielles de l'être humain » et certains philosophes établissent « la dignité et la valeur de tous les individus sur la capacité de déterminer le bien et le mal par le recours à des qualités humaines universelles, en particulier la rationalité. L'humanisme implique un engagement à la recherche de la vérité et de la moralité par l'intermédiaire des moyens humains…en mettant l'accent sur la capacité d'auto-détermination, et rejette la validité des justifications transcendantes… tels certains textes présentés comme d'origine divine ».   Les humanistes défendent une morale universelle fondée sur des conditions humaines telles que le droit à l’égalité, l’indépendance, la solidarité, la liberté d’expression, le respect absolu des identités et des différences, le droit à une vie décente où les valeurs humaines sont respectées.

L’un des slogans forts scandés par les jeunes : « La dignité avant le pain » traduit justement l’esprit de ces valeurs prônées par l’humanisme, et il ne fait pas de doute que cette révolution porte en elle des conceptions humanistes.

 

 

  
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